Quelles sont les différences et similitudes entre un psychothérapeute et un psychologue?


 Au Québec, le titre « psychothérapeute » est réservé par l’Office des professions et peut être utilisé par l’ensemble des professionnels habiletés à la pratique légale de la psychothérapie, soit les médecins, les psychologues et les autres types de professionnels qui sont détenteurs d’un permis de psychothérapeute émis par l’Ordre des psychologues du Québec.

  

Les psychologues ne pratiquent pas tous la psychothérapie. Quelqu'un peut avoir le titre de psychologue et travailler comme chercheur, comme enseignant, en psychologie du travail ou en ressources humaines. On peut donc dire que le psychologue qui exerce la psychothérapie est un psychologue qui est également psychothérapeute.

 

En plus de leur formation théorique et clinique dans leur champ d'expertise initial nécessitant au minimum une maîtrise universitaire, tous les professionnels détenteurs d'un permis de psychothérapeute ont suivi un parcours académique et de stage clinique relié à l'exercice de la psychothérapie qui totalise un minimum de 1365 heures. Ils ont également les mêmes exigences de formation continue que les psychologues qui pratiquent la psychothérapie.

 

Outre la psychothérapie, il y a des actes réservés aux psychologues et des actes réservés partagés avec d'autres professionnels, les deux principaux pour les professionnels en pratique privée étant : 

-Le diagnostic psychologique ou évaluation des troubles mentaux (acte réservé accessible d'emblée aux médecins et aux psychologues, et acte réservé accessible moyennant une formation supplémentaire pour certains conseillers d'orientation, infirmiers ou sexologues. 

-Le diagnostic neuropsychologique (acte réservé accessible d'emblée aux médecins ou acte réservé accessible moyennant une formation supplémentaire pour certains psychologues). 


Les autres actes réservés pouvant amener des différences opérationnelles entre les titres ont surtout à voir avec l'expertise psycho-légale, l'expertise en gardes d'enfants et droits d'accès, les expertises en milieu d'éducation, ainsi que certaines activités réservées liées à l'exercice en institution psychiatrique. 


Dans le rapport d’impôt, il est possible de déduire comme frais médicaux (aux deux paliers de gouvernement) à la fois les soins fournis par les psychologues et ceux fournis par les psychothérapeutes. Néanmoins, certaines assurances collectives ne couvrent pas forcément les services offerts par ces deux titres, d’où l’importance de bien regarder les types de professionnels couverts par votre contrat. 


Dave Bouchard, c.o. et psychothérapeute

27 août 2024

Comment l'approche psychanalytique conçoit-elle les symptômes psychiques?


La psychanalyse se distingue des approches courantes en psychothérapie par sa conceptualisation particulière des symptômes, autant dans leur signification que dans leur traitement. Alors que les méthodes les plus courantes cherchent souvent à atténuer et éliminer les symptômes observables, la psychanalyse adopte une perspective profonde et complexe qui tient compte de la globalité de la psyché de l’individu, en accordant une place particulière aux dimensions inconscientes qui échappent à la personne. Les psychothérapies les plus courantes considèrent majoritairement les symptômes comme des manifestations observables et quantifiables, regroupés selon des similitudes. Les traitements, qu’ils soient psychothérapeutiques ou pharmacologiques, sont ensuite recommandés en fonction de ces regroupements de symptômes. Cette perspective prônée par les psychothérapies les plus courantes conduit à la spécialisation des praticiens en santé mentale dans l’accompagnement de troubles spécifiques, ou dans la création d’unités spécialisées sur une expertise axée sur un symptôme. 

La psychanalyse, quant à elle, considère les symptômes comme des métaphores exprimant par une autre voie des aspects du psychisme dont l’accès par la voie du langage est complètement barré et inaccessible en raison d’une censure, tant au niveau de la pensée qu’au niveau du discours. Ainsi, pour la psychanalyse, le symptôme est perçu comme une expression déviée de ce qui n’a pas pu trouver des mots pour se dire à travers le langage commun et courant de la société. Cette expression s’est faite par le biais d’une métaphore que constitue le symptôme. 

Contrairement aux approches psychothérapeutiques courantes, la psychanalyse ne prône pas la spécialisation de ses praticiens dans le traitement de diagnostics spécifiques, car elle met de l’avant la prémisse que chaque symptôme est une métaphore provenant d’une langue personnelle et singulière, hors-langage commun, langage dont l’analysant n’a plus accès au code puisqu’il est lui-même inconscient, bien qu’il puisse le retrouver par soi-même par le biais d’une cure psychanalytique. Qui plus est, il y a chez chacun des aspects qui demeurent dans la psyché et qui ne trouvent pas la voie du langage commun, que ce soit dans la pensée ou dans la parole. Ils s’expriment alors en fonction d’un langage crypté qui est unique à chaque être humain, et seule la personne elle-même peut en retrouver les clés perdues pour débloquer une façon plus saine d’exprimer ce qui ne s’exprimait jusque-là que par le symptôme, faute d’autres voies possibles. La dimension codée et chiffrée du symptôme, à la manière d’un rêve, rend rapidement celui-ci incompréhensible pour la personne. Contrairement aux métaphores basées sur un langage commun sur lequel on peut s’appuyer pour une compréhension collective, le symptôme échappe à cette facilité d’interprétation en raison de sa nature cryptée. Cette conception est semblable aux hiéroglyphes égyptiens, dont le déchiffrage a bloqué tant et aussi longtemps qu’on a cherché à comprendre la signification de chaque signe de façon isolée plutôt que de chercher à comprendre ce langage dans sa globalité. Il en est de même pour l’inconscient et sa voie d’expression qu’est le symptôme.

Si la psychanalyse reconnaît l'existence et la pertinence d'une phénoménologie des symptômes observables, elle considère que leur compréhension demeure énigmatique en raison de l'aspect inconscient du processus de langage singulier. Contrairement à d'autres approches qui cherchent à traduire mot à mot les symptômes observables, la psychanalyse ne se contente pas de décoder les manifestations extérieures, mais cherche plutôt à comprendre le symptôme dans sa totalité, en le considérant comme un résultat énigmatique du processus de langage inconscient.

En psychanalyse, la lecture du symptôme est complexe, car le psychanalyste ne connaît pas le code de déchiffrage de l’inconscient individuel de la personne, mais plutôt les lois de l'inconscient chez l’humain Le but de la psychanalyse est alors de permettre à la personne de déchiffrer son propre code inconscient, de retrouver dans sa parole la clé qui ouvre la compréhension de son symptôme. L'analyste ne détient pas le code, mais il guide le processus de découverte de l'inconscient.

Mais pour la psychanalyse, le symptôme n'est pas simplement une parole cryptée, mais aussi un déploiement nocif et souffrant émanant de quelque chose qui est inscrit dans la psyché de chaque être humain. Cette inscription constitue une marque qui reste indélébile et sert à effectuer un nouage dans la psyché de chacun, permettant au sujet de tenir dans l'existence. Le symptôme, souvent plus nécessaire qu'on ne le pense, est considéré comme quelque chose avec lequel il faut composer. La psychanalyse vise donc à amener la personne à reconnaître cette nécessité tout en cherchant à atténuer la dimension pathologique du symptôme. Ce travail d’atténuation du symptôme se fait d’ailleurs sur le long terme, car de nombreuses résistances sont à l’œuvre.

La psychanalyse cherche donc à amener l’analysant à ‘savoir y faire avec son symptôme’ mais elle le fait à un rythme humble et modeste, car soucieuse de la part d’indispensable derrière chaque symptôme malgré la facette intolérable qui y est rattachée. La psychanalyse ne vise pas à éradiquer entièrement le symptôme, mais plutôt à le transformer en nouage qui solidifie la personne dans son existence, et ce, en libérant la part de satisfaction qui y est attachée. Cette notion de ‘savoir y faire avec son symptôme’ ne signifie pas qu’il faut s’y résigner ou l’accepter passivement, ni renoncer à aller mieux. Il s'agit plutôt d’amener la personne à reconnaître le symptôme comme faisant partie intégrante de son individualité, en tentant de s’entendre avec celui-ci et lui faire une place d’expression pour le message qu’il veut transmettre. Il est d’ailleurs courant que l’écoute de ce message peut s’avérer elle-même éclairant dans la façon de trouver son propre savoir y faire avec le symptôme.

Le rôle du psychanalyste est d'aider le patient à découvrir et déchiffrer ce code afin que le symptôme puisse être transformé en parole, c’est-à-dire par un discours qui permet de faire lien social. Le fait de mettre en mots constitue une modalité parmi tant d’autres de ces discours, qui peuvent se faire par le moyen de nombreuses expressions artistiques. La psychanalyse vise à rendre le symptôme caduque en permettant à la personne de l’exprimer par une voie qui fait lien social.

En conclusion, la psychanalyse encourage le patient à explorer son inconscient, à reconnaître le symptôme comme une expression personnelle et singulière, et à trouver des moyens de vivre avec tout en cherchant à transformer le symptôme en un autre mode d’expression moins souffrant.


Dave Bouchard, c.o. et psychothérapeute

12 février 2024